holy water can not help you now…

La colère était un sentiment qu’Anca connaissait bien.
Surtout depuis qu’elle était morte.

C’était sans doute triste à dire mais de son vivant, elle n’avait pas pu se laisser aller à ses élans les plus vils et elle n’avait pas pu crier, elle n’avait pas pu s’énerver, ni même s’égosiller et s’en prendre verbalement ou physiquement à quelqu’un. Trop chétive, trop menue, trop naïve… Il lui avait manqué quelque chose pendant les quelques années où son coeur avait battu. Quelque chose de crucial et d’important pour ce sentiment destructeur. Mais maintenant… Maintenant qu’elle pouvait parcourir le monde des vivants sans être remarquée et qu’elle avait des pouvoirs dans le monde des morts et celui des rêveurs, maintenant les choses étaient différentes. Maintenant les sentiments trouvaient leurs raisons et ils trouvaient de quoi satisfaire leurs envies dans les entrailles d’Anca qui avait de la colère à revendre et qui ne savait plus quoi en faire. C’était cette colère qui l’avait conduite aux frontières de son royaume hier soir et qui l’avait poussé à noyer les plus innocents. Ceux qui tentaient encore de franchir la barrière et de pénétrer son château. Ça avait été facile, manipuler l’eau que Le Misérable laissait dans son royaume malgré lui était devenu un des jeux préférés d’Anca. Et plus la colère était froide et plus les vagues montaient, plus elles étaient dévastatrices et plus il était difficile pour les mortels de respirer. Facile, vraiment trop facile.

Oh et puis de toute façon… leurs poumons finissaient toujours par se gonfler de quelque chose, si ce n’était pas la bêtise ou leur propre stupidité, c’était forcément la peur. Eux qui ne comprenaient pas que tout ceci se passaient dans un coin reclus de leur tête, ils ne comprenaient pas que si Anca gagnait c’était parce qu’elle savait la vérité. Mais c’était la colère qui l’avait dominée encore une fois et les mortels avaient fini par se réveiller dans leur lit, probablement tremblant de peur et en se demandant si cette goutte qui perlait dans leur dos, si c’était une goutte d’eau, menaçante et invisible qui les avait suivis dans le monde des vivants ou si c’était juste de la sueur. Ce jeu-là n’amusait pas beaucoup Anca aujourd'hui, retourner dans sa demeure aussi, observer Marian non plus et cela la mettait encore plus en colère que de le savoir là, quelque part, probablement en train d’assouvir ses penchants les plus inavouables et dans les bras d’une autre. Parce qu’il le pouvait.

Anca cherchait donc une cible, humain, fantôme, peu importe, quelqu’un qui pourrait l’entendre hurler et qui aller courber l’échine sans absolument avoir le choix. Juste parce qu’elle le disait. Il pleuvait toujours dans le monde des rêves, une pluie fine et légère mais Anca n’y prêtait plus attention, changeant la couleur de sa robe dans pour un noir encre affolant, la longue traine crépitant derrière elle et laissant une trainée d’encre qui partait quelques secondes après le passage d’Anca. Comme la plupart des habits qu’Anca portait, ce n’était qu’un dérivé d’une robe de mariée, un dérivé qui avait était trempé dans la noirceur même de son âme et qui n’était pas encore sec parce qu’Anca n’était pas encore apaisée. Elle se dirigeait bien malgré elle vers l’entrée du monde des rêves, vers le rideau, probablement à la recherche de réponses ou d’une victime. Elle toucha un arbre et changea le tronc de couleur, lui aussi, devenant noir, elle en fit de même pour l’herbe sous ses pieds et les quelques fleurs qui croisèrent son chemin le regard froid et dur. Personne sur son chemin, ou peut-être qu’ils savaient qu’elle était d’une humeur absolument abominable. Mais impossible de tromper Anca et elle fut bien contrainte de réaliser qu’elle n’était pas seule. Ses pas l’avaient conduit vers une forêt mais pas la bonne. « Qui va là…. ? » Le ton d’Anca était volontairement sec et le volume de sa voix à peine plus élevé qu’un murmure et pourtant, les échos se firent ressentir parmi les arbres. Un visage, Anca fronça les sourcils en apercevant une jeune femme qu’elle croisait d’habitude au niveau du rideau. Oui, elle et son imbécile de patron aimaient bien guider les curieux près de l’entrée interdite, dans ses bois. Ne savaient-ils pas qu’Anca avait des projets pour ce lieu sacré, ce lieu de communion entre leurs deux petits monde ? Pourquoi s’évertuaient-ils à souiller ce qui allait bientôt devenir son chez elle ?

«  Oh c’est toi… La sale petite fouineuse. »  Anca pencha la tête et adressa un sourire à Muttunbaal, se disait que c’était probablement la meilleure approche. « Je crois que tu t’es perdue… ce que tu cherches doit sûrement se trouver de l’autre côté. Ou alors… » Anca s’était rapprochée, secouée d'un rire qui n’avait rien de rassurant, elle repoussa une mèche blonde qui était venue se perdre devant ses yeux. Elle repoussa une branche qui barrait son chemin, les feuilles changèrent aussitôt de couleur, ainsi que les branches et le tronc, tout de l’arbre changea jusqu’aux racines. Si Anca avait pu le brûler, elle l’aurait fait, rien que pour montrer à Muttunbaal que sa présence ici n’était pas désirée. « … Ou alors tu es venue pour voler quelque chose comme tu le fais souvent. » Anca avait fait un bond qui n’avait absolument rien de naturel pour réduire la distance entre elle et cette humaine aux dons si particulier, elle toucha les vêtements de cette dernière mais rien ne se produisit. Parce qu'Anca ne pouvait pas, pas avec elle du moins.

Cela n’eut qu'un seul effet, celui de faire grogner Anca, de rage comme un animal sauvage et elle se consola du mieux qu'elle peut en repoussant Muttunbaal de ses deux mains, excédée. « Tu devrais partir et retourner jouer avec tes guides. »

Ma vie avait changé voilà quelques années, enfin, elle était devenue différente en quelques sortes, parce que j'avais connue pas mal de déboires malheureusement, mais c'est ainsi, je ne peux pas faire de miracles pour moi, je n'en suis pas capable, même si je suis une passeuse. Je peux visiter ce monde des rêves, mais est ce que cela changera ma vie en profondeur ? Je ne saurais dire, parce que je ne sais pas si je vais vouloir venir ici en permanence. Je ne sais pas, pourtant, j'aimerais savoir si mon père est là, j'aimerais le savoir, j'aimerais comprendre, mais c'est difficile, je ne sais pas où le chercher tellement ce monde est vaste, tellement il est grand et somptueux, merveilleux aussi, mais parfois c'est un monde cauchemar. Je sais que je ne peux pas être hantée dans mes rêves par les damnés, grâce à ma nature, même si parfois, j'aimerais. J'aimerais vraiment me réveiller en sursaut après avoir été tuée. Mais si cela m'arrive, ce n'est que mon imagination qui me joue des tours, c'est ce que je crois, en vérité, je ne sais pas comment tout cela fonctionne dans le moindre détail, même si je sais des choses quand même. Aujourd'hui est un jour de repos pour moi, je n'ai pas de groupes à emmener dans la forêt, personne, il n'y a que moi, rien que moi, et j'ai bien l'intention de faire une petite balade, pour me plonger dans ce monde qui n'a pas totalement le mien, mais celui de ces damnés. Je fais partie de ce genre de personnes qui peuvent voyager entre les deux, et c'est ce que je vais faire aujourd'hui. Cela serait tellement plus simple si en une seule pensée je pouvais me déplacer dans ce monde, mais ce n'est pas aussi simple. Il y a certaines contraintes qui ne me dérangent pas vraiment. L'hiver est là, alors je m'habille comme il faut pour me rendre dans la forêt et tomber sur ce beau rideau rouge. Après quelques heures d'une marche rapide, je me retrouve donc à destination et j'entre dans ce monde de rêve. Il pleut comme toujours ces derniers temps, je ne sais pas pourquoi, mais c'est comme ça, ça ne me choque plus, je m'y suis habituée. Je m'avance donc, à la recherche de quelqu'un que je connais, ou pour faire connaissance avec quelqu'un d'autres, mais malheureusement, ce n'est pas le cas, je tombe sur Anca, et elle ne m'aime pas, elle n'aime personne, et je crois que je fais partie des personnes qu'elle déteste le plus au monde parce qu'elle ne peut pas hanter mes rêves, et que je peux lui rendre visite quand bon me semble. Mais je ne réponds pas à sa question, à son murmure pour savoir qui va là. Elle m'a de toute façon reconnue, et je sens que cela sera à nouveau un dialogue de sourd, qu'elle va simplement vouloir me virer d'ici, qu'elle va vouloir me faire du mal, comme souvent, comme toujours devrais-je dire. Je vais la laisser dire, peut être même que je devrais l'ignorer pour aller plus loin, peut être, mais je ne suis pas comme ça, je déteste quand les gens agissent ainsi sur moi, et ça arrive, alors je ne le fais pas subir aux autres. Et puis, cela ne ferait sans doute que l'énerver encore plus, n'est ce pas ? Oui, sans doute.

" Et oui, c'est moi. Je suis seule, il n'y a personne avec moi aujourd'hui et si cela peut te rassurer, je ne vais rien te prendre. Je doute que tu me fasses un quelconque cadeau de toute façon, n'est ce pas ? "

J'aimerais comprendre pourquoi elle a tant de haines. Il y a plusieurs catégories, ceux qui sont comme elle, ceux qui ne savent pas trop quoi en penser, et puis ceux qui sont prêts à vous aider. Si je suis ici aujourd'hui ce n'est pas pour quelques choses de différent des autres fois. Je suis à la recherche de mon père, et mes pas m'ont mené jusqu'ici.

" Je ne vais pas retourner jouer avec mes guides, je suis à la recherche de quelqu'un que j'aimerais connaître, je suis persuadée qu'il n'est pas si loin que ça, peut être qu'il se cache. "

Je ne sais pas pourquoi je lui dis ça, elle ne va pas m'aider de toute façon, mais si elle le sait, peut être qu'elle arrêtera un peu de s'en prendre à moi, je ne sais pas, je le pense, je verrais bien en tout cas.